J’ai la chance d’évoluer au sein d’une start-up. Nos locaux se trouvent dans un ancien gymnase. Entre l’open space, nos mini-studios et la scène que nous avons construite pour notre théâtre animé, parfois je n’ai tout simplement pas l’impression d’être « au boulot ».

Or je ne cesse de m’émerveiller de ce fait indéniable. C’est ce monde, celui des start-ups, qui inspire les grands groupes. Et c’est un renversement de l’ordre naturel des choses.

Un peu comme si une cascade se mettait à couler à l’envers !

En toute logique, ce sont les mastodontes d’un domaine qui devraient fixer les règles du jeu. En toute logique, les nouveaux acteurs devraient s’en tenir à ces règles pour pouvoir progresser.

Sauf qu’on observe le contraire. Et c’est fascinant de voir un cours d’eau défier la gravité et remonter vers le ciel.

 

Humeur de l’article :

 

Questionner les codes


Il y a dix ans encore, si vous vouliez paraître professionnel, vous deviez porter un costume, avoir une carte de visite, un porte-documents et si possible faire partie d’une entreprise du CAC 40.

Sauf qu’entre temps, l’économie mondiale a été chahutée par une bande de geeks en jeans et en baskets qui ont lancé leur projet dans leur campus, avant même d’obtenir un diplôme.

Aujourd’hui, le casual friday s’étend souvent aux autres jours de la semaine. On peut venir travailler en tenue décontractée et lever plusieurs millions d’euros. Et à dire vrai, le look start-up est tellement à la mode qu’on voit certains le singer !

Un exemple illustre, ce sont les nouveaux locaux de PricewaterhouseCoopers (PwC). Ceux-ci ne cachent pas leur style architecturale « néo-start-up » ! Qu’un cabinet de cette envergure (35,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016 tout de même) veuille ressembler à une start-up en dit long.

En effet voilà ce qu’on peut notamment relever :

  • un babyfoot
  • tout le monde est dans un open space, y compris le top management
  • une partie de l’équipe est en télétravail
  • on utilise Skype entreprise à la place des téléphones fixes (qui ont disparu)
  • des applications sur smartphone pour réserver les salles de réunion…

 

On se croirait dans une pépinière. Et en fait ces locaux ont été élaborés à partir d’une consultation massive des collaborateurs. Geoffroy Schmitt, l’associé responsable de la rénovation des locaux de PwC, expliquait que lors de la consultation il est apparu que les juniors regrettaient de plus en plus “de ne pas retrouver chez PwC ce que leurs amis de promotion leur disaient avoir dans des entreprises collaboratives”.

Voilà pour la surface. Allons maintenant plus en profondeur.

 

Révolutionner les pratiques


Au delà des codes vestimentaires ou de la configuration des espaces de travail, la vraie révolution se trouve plutôt là : dans le questionnement de la structure pyramidale du management.

Le canal hiérarchique top down (c’est-à-dire de haut en bas, pour les non-initiés aux anglicismes) est aujourd’hui complété par un retour terrain bottom up (de bas en haut), mieux considéré. Et la transformation digitale impose également une approche transversale des problématiques.

Il faut donc casser les silos, mieux communiquer, mieux partager les informations et les idées.

On voit de plus en plus le concept d’expérience collaborateur (ou expérience employé) remplacer celui d’expérience utilisateur dans les gros titres des médias de la tech.

Pour mémoire, l’expérience employé désigne la perception, le ressenti d’un salarié dans le cadre de sa relation avec son employeur. Cela concerne donc le contrat de travail (les missions, la rémunération, les horaires et les modalités de travail), mais aussi tout ce qui est autour de l’activité de production. Elle est symbolisée par les lettres EX (de Employee eXperience en anglais).

Une autre démarche de la nouvelle école, c’est d’encourager les projets d’entreprise à l’intérieur de l’organisation. On l’appelle l’intrapreunariat. Elle vise à soutenir l’esprit d’initiative et donner de l’autonomie aux employés. La Société Générale, un pilier du CAC 40, a lancé un grand programme en ce sens.

Beaucoup d’entreprises semblent avoir pris conscience que leur plus grande richesse n’est pas leur compte en banque, ni la valorisation de leur action à la bourse, mais plutôt leurs ressources humaines.

 

La nouvelle école


On voit aussi de plus en plus une approche MVP des problématiques. Qu’est-ce que le MVP ?

Le produit minimum viable ou Minimum Viable Product (MVP) en anglais désigne un processus d’innovation et de développement produit qui consiste à privilégier la vitesse au détriment de la finition du produit. Autrement dit, on se concentre sur les fonctionnalités essentielles et on écarte celles qui ne sont pas indispensables. Pour autant, le MVP permet une expérience client complète.

La meilleure synthèse de cette philosophie est donnée par Reid Hoffman, un des fondateurs de Linkedin :

« Si vous n’avez pas honte de la première version de votre produit, c’est que vous l’avez lancée trop tard. »

Par exemple, pensez à la première version de Facebook. On en voit un aperçu dans le film de David Fincher, Social Network. Pour un autre exemple de MVP, essayez l’application Too good to go, qui lutte contre le gaspillage alimentaire. L’interface n’est pas très sexy, mais elle fait le job.

Le groupe qui maîtrise cela parfaitement, c’est Amazon. Rappelez-vous, le « Fire Phone » ! Il s’agit de l’échec le plus cuisant du géant américain. Lancé en juin 2014, Amazon annonçait 1 an et 3 mois plus tard la fin de sa commercialisation. On lance, on teste et si ça ne marche pas, on tente autre chose.

 

Rester dans la course


Finalement, l’attrait des start-ups tient surtout à ce qu’elles permettent de s’adapter au nouveau rythme de l’innovation dans le monde digital. Comme beaucoup d’entre elles sont digital natives, les grands groupes ont tout intérêt à s’en inspirer.

Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, formulait cela ainsi :

Pour la première fois, les start-ups ont la capacité de remettre en cause, à coût marginal faible, une grande majorité des positions établies par les acteurs principaux de chaque secteur économique. Et comme Internet est mondial, l’effet de levier d’une disruption peut être planétaire.

C’est la fable du rat et du lion réinventée. Immortel Jean de la Fontaine : « On a toujours besoin d’un plus petit que soi ».


Cet article a initialement été publié sur le blog de videotelling. Pour le consulter, cliquez ici