Vous entendez en permanence parler des taux directeurs de la BCE, la Banque Centrale Européenne mais vous n’avez jamais osé poser de questions sur le sujet.

Comment sont-ils fixés ? À quoi servent-ils ? Pourquoi y a-t-il plusieurs taux ?

Les sites officiels sont trop arides, alors voici un petit aide-mémoire que nous espérons pédagogique et concis. Sa lecture vous prendra le temps d’un café.

Si vous avez la moindre question à ce sujet, les commentaires de cet article sont ouverts : nous serions ravis de discuter de taux avec vous !

 

La BCE doit maintenir l’inflation légèrement sous 2%


Le principal objectif de la BCE est maintenir l’inflation annuelle « au-dessous, mais à un niveau proche, de 2 %, sur le moyen terme » .

Pour cela, elle modifie ce que l’on appelle les taux directeurs. Pourquoi les taux ont-ils une influence sur l’inflation ?

Les taux bas rendent l’emprunt moins coûteux. Les entreprises et ménages empruntent davantage, ce qui augmente la demande pour les biens et services. Par exemple, il y a davantage de concurrence sur les biens immobiliers, ce qui fait monter leur prix. Les projets industriels sont également plus simples à financer : le point mort de rentabilité est plus bas.

À l’opposé, des taux élevés rendent le crédit plus coûteux, ce qui, par l’effet inverse, entraîne une réduction de la demande et une moindre appréciation des prix (voire une baisse dans certains cas).

Il n’y a pas de bon ou de mauvais niveau de taux. Ce n’est pas une science exacte et tous les banquiers centraux procèdent par petites touches pour déterminer la politique de taux la plus adaptée. Ils doivent observer la situation du moment mais surtout anticiper l’avenir car les marchés ne supportent pas les changements brusques !

 

L’outil principal de la politique monétaire : les taux courts


En zone Euro, la BCE agit sur trois taux directeurs qui vont de concert. Ils sont en général séparés de quelques dizaines de points de base. Ils correspondent chacun à un service que la BCE offre aux banques. Tous les taux sont exprimés en base annuelle.

 

Le taux refi, le plus médiatisé, aujourd’hui à 0%

C’est le taux auquel les banques peuvent se financer chaque soir auprès de la BCE pour équilibrer leur trésorerie. Les prêts sont d’une durée de 7 jours ou de 3 mois. Ces prêts sont organisés avec un petit appel d’offres, ce qui fait que le taux effectif n’est pas de 0% mais dépend de la demande bancaire (le taux monte si ces prêts sont très demandés).

Une condition toutefois : tous les prêts sont collatéralisés. Les banques doivent donc déposer des garanties sous forme de titres (obligataires principalement) pendant toute la durée du prêt. C’est la raison pour laquelle on parle de taux refi (refinancement de portefeuilles).

 

Le taux de dépôt, aujourd’hui à -0,40%

C’est le taux de placement pour les liquidités excédentaires des banques. A la fin de chaque journée, une banque équilibre sa trésorerie en prêtant aux autres banques ses excédents (le taux qu’elles négocient pour cela se nomme le taux interbancaire, il sert de base à l’Euribor).

Mais si elle a trop d’excédents ou qu’elle ne trouve pas preneur, elle a toujours la possibilité de déposer son solde à la BCE. Il faut voir la BCE comme le compte courant obligatoire des banques. C’est pour cette raison que les banques facturent les dépôts des gros clients : elles ne savent pas comment replacer la trésorerie !

 

Le taux de la facilité marginale de prêt, aujourd’hui à 0,25%

C’est une forme de financement d’urgence : il est utilisé par les banques qui n’arrivent pas à équilibrer leur trésorerie sur le marché interbancaire. Il n’est pas destiné à être un moyen de financement durable : c’est un découvert d’appoint. Ce prêt doit aussi être collatéralisé.

 

Les outils annexes : la politique non conventionnelle


Le pilotage par les taux a permis de réguler la masse monétaire depuis la création de l’euro. Mais après la crise des dettes souveraines, des nouveaux outils ont été nécessaires car le marché obligataire ne fonctionnait plus normalement.

La BCE a alors complété sa politique avec des programmes non conventionnels parmi lesquels :

  • une plus grande tolérance sur le collatéral accepté, permettant aux banques disposant d’un portefeuille de titres de moindre qualité d’accéder aux opérations de refi dans les mêmes conditions que les autres banques
  • l’achat d’obligations sur le marché (le fameux « quantitative easing »)
  • des prêts à long terme aux banques en fonction des crédits qu’elles accordent à l’économie (dits « LTRO », Long Term Refinancing Operation)

 

En substance, tous ces programmes reproduisent la politique sur les taux courts en l’adaptant aux taux à moyen et long terme (1 à 30 ans). La BCE ne peut dicter le niveau des taux longs car ils répondent à l’offre et la demande d’obligations. Pour les influencer, elle doit elle-même acheter ou vendre des obligations : c’est une forme de manipulation de cours encadrée !

Ces programmes cherchent à corriger à un dysfonctionnement ponctuel de marché, et sont destinés à s’éteindre une fois les problèmes corrigés.

 

Comment cela concerne votre trésorerie


Le taux refi est un bon indicateur du rendement des OPCVM monétaires. Il sert de base à l’EONIA.

Le taux de dépôt (aujourd’hui négatif) reflète ce que touchera la banque par défaut pour les disponibilités que vous lui confierez. Aujourd’hui négatif, il signifie que vos dépôts ont un coût (si la banque n’en trouve pas un meilleur usage). Lorsqu’il repassera positif, les banques cesseront de facturer les dépôts.

Aujourd’hui, les taux directeurs sont attendus stables jusqu’à la fin du quantitative easing. Les spéculations portent donc sur son arrêt ou sa prolongation au-delà de décembre 2017.

Le programme de rachat d’actifs influe bien sûr les obligations : quand la BCE achète des obligations, leur cours monte, donc leur rendement actuariel baisse.

Il influe aussi le marché actions : plus les liquidités sont abondantes dans le marché, plus les investisseurs sont à la recherche de produits de placement et plus ils acceptent de prendre des risques en achetant des actions. La réduction des liquidités attendue poussera donc les investisseurs à la sélectivité dans leurs placements et investissements car l’argent deviendra plus rare.

Ainsi s’achève notre petit tour de la politique monétaire de la BCE !


Cet article a initialement été publié sur le blog de PANDAT FINANCE. Pour le consulter, cliquez ici