Cet article est rédigé par Corentin COLARIS, consultant indépendant en financement, analyse financière et valorisation d’entreprise.

 

Pour toute question ou renseignement complémentaire, vous trouverez, en fin d’article, ses coordonnées et un descriptif de son activité.

 


L’équipe Éducafi vous souhaite une bonne lecture !


Afin d’assurer la pérennité de son projet entrepreneurial, tout entrepreneur va devoir réaliser des choix stratégiques pour développer son activité. Ces choix vont se tourner vers des investissements en tout genre (acquisition d’immobilisations, recrutements de talents, achats de matières premières), dont le financement de chacun d’eux sera le fruit d’une réflexion, répondant à l’équation suivante : j’ai besoin de cet argent pour quand, pour faire quoi, à quel prix (pas seulement financier).

Au-delà de ces questions, l’entrepreneur va devoir également prendre en considération des facteurs macro et microéconomiques, tels que :

  • La structure financière actuelle de sa société (taux d’endettement, capacité d’autofinancement, trésorerie disponible, souhait d’ouvrir son capital)
  • Le marché et la maturité de sa société (nombre d’années d’activité, business model validé (ou non) par le marché, effectif de la société, nombre et types de clients, taux de rentabilité, perspective de croissance)
  • Le « marché du financement » (dynamique du marché du capital investissement et secteurs d’investissement attractifs, taux d’intérêts bancaires, taux d’imposition sur l’ISF et les produits de placement, conjoncture économique globale)

 

Afin de couvrir ce besoin financier, l’entrepreneur va réaliser une levée de fonds. Cette dernière intervient dans le moment critique où la capacité d’autofinancement est insuffisante, les apports financiers précédemment réalisés sont déjà alloués à des investissements, et ne suffisent pas à amorcer de nouveaux plans de développement stratégiques onéreux. Elle peut intervenir à tout stade de maturité du projet entrepreneurial (création, développement, consolidation, cession, restructuration), sous différentes formes possibles (ouverture et/ou augmentation personnelle de capital, souscription de dette, apport en compte courant, dons et subventions).

 

Pour réaliser cette levée de fonds auprès d’un tiers extérieur à l’entreprise (d’un point de vue capitalistique), l’entrepreneur va devoir « marketer son projet », en justifiant l’adéquation entre besoin financier et investissement à réaliser. Pour cela, il va utiliser 3 outils principaux. Trois documents sont à réaliser afin d’assurer le bouclage d’un roadshow. Ils interviennent chacun à un moment clef du processus de séduction des investisseurs.

 


Le Teaser


Le teaser est un document concis de 5 à 10 pages, souvent réalisé sous format PowerPoint. Il est la plupart du temps le premier document reçu par les équipes d’investissement, le plus souvent les chargés d’affaire (sauf si le dossier est passé « prioritaire » par recommandation d’un tiers de confiance ou au sein-même de la société d’investissement). Ce document est comparable au CV du projet, il doit être concis et rapide à parcourir. En moins de 5 minutes, l’équipe d’investissement doit savoir si votre projet est en ligne avec la politique d’investissement du fonds (taille de l’entreprise, chiffre d’affaire, marché de l’entreprise, montant du besoin financier et projet d’investissement). Si le projet répond aux critères de sélection, un premier rendez-vous physique sera programmé avec les entrepreneurs du projet (ou une demande de documentation plus approfondie, type memorandum (cf. plus bas))

 

À faire :

  • Pour présenter ce document, je conseille de réaliser en amont un Business Plan Canvas, et de résumer les informations clefs dans ce teaser au format PowerPoint.
  • Par expérience, les investisseurs vont d’abord se renseigner sur la qualité de l’équipe dirigeante. Ils vont constater que les membres de l’équipe sont complémentaires, avec chacun les compétences suffisantes pour mener à bien le projet.
  • Présentez un calendrier des étapes clefs de votre projet, vous menant à votre objectif final (par exemple, « détenir X% du marché au bout de X années d’activités » ou « développer le portefeuille- Grands Comptes de X% à X% du CA au bout de X années »).
  • Informez également les investisseurs de vos investissements en Recherche et Développement, ainsi que l’acquisition/la protection de toute ressource clef (matières premières rares, brevets, contrats d’exclusivité).

 

  • Intégrez les informations principales concernant votre étude de marché (taille du marché, clients, concurrents, croissance, SWOT), une slide maximum.
  • Si vous avez déjà réalisé une précédente levée de fonds, présentez-la sous la forme d’un tableau emplois (dans quoi ont été investis les fonds ?) / ressources (comment était structurée la levée de fonds ?). Pour votre prochaine, répété le même procédé.
  • N’hésitez pas à ajouter une dernière slide avec quelques photos et distinctions/prix reçus.

 

À éviter :

  • Votre présentation ne doit pas être longue et redondante.
  • Ne parler pas de valorisation dans votre présentation, ce sujet intervient plus tard dans le processus durant les négociations.
  • Évitez d’être trop dense par slide, contentez-vous de l’essentiel !
  • A cette étape, ne transmettez pas de Business Plan. Ce teaser ne doit permettre qu’à vous amener à échanger avec l’investisseur sur votre projet, via un entretien physique.

 


Le Business Plan


Le Business Plan (BP) est un document Excel formalisant de manière chiffrée les hypothèses d’activité et de croissance du projet entrepreneurial. Il doit permettre de communiquer efficacement avec un interlocuteur financier, dans l’objectif de susciter l’intérêt d’investir. Il doit contenir trois feuilles :

 

1 – Les hypothèses

Cette première feuille Excel recense vos hypothèses de produits et charges liés à votre activité, au fur et à mesure des années. Elle doit être détaillée au maximum, afin de bien prendre en considération l’ensemble des composantes de votre CA (volume, prix) et votre structure de charges en y présentant tous les postes opérationnels, administratifs et commerciaux (par exemple, X personnes sont assignées au pôle commercial, tandis que X personnes sont affectées au pôle communication). Même s’il n’est pas nécessaire pour le tableau de cashflow, il est préférable de descendre jusqu’au résultat net après impôt. Pour un maximum de détails, il est préférable de détailler les hypothèses par mois, étalées sur une période de 3 à 5 ans (selon l’horizon d’investissement prévu).

 

Dans cette première feuille des hypothèses, il faudra également y intégrer les hypothèses de financement (via de la dette, une augmentation de capital …), un tableau d’amortissement (capital et intérêt) au cours des années d’activités, ainsi que les hypothèses d’investissements (telle que l’acquisition d’immobilisations) au cours des années d’activités. Selon les standards comptables appliqués, les intérêts peuvent être intégrés aux hypothèses liées à l’activité.

 

À faire :

  • Partez de votre objectif in fine, et séquencez-le d’années en années, mois par mois.
  • Présentez bien la saisonnalité potentielle de votre activité dans vos hypothèses.
  • Faites des ratios de cohérence au fur et à mesure des années de votre BP, afin de vérifier que votre structure de coût est maîtrisée, et que les hypothèses de croissance ne sont pas aberrantes (Chiffre d’affaire/nombre de commerciaux, coûts marketing/chiffre d’affaire, intérêts bancaires/EBITDA).

 

À éviter :

  • Ne gonflez pas vos hypothèses ! A vouloir trop séduire les investisseurs, vous pourriez vous discréditer et perdre l’intérêt principal de ce document : définir votre besoin de financement !

 

2 – Le compte de résultat

Cette deuxième feuille synthétise sous la forme d’un compte de résultat la première partie de vos hypothèses, du chiffre d’affaire jusqu’au résultat net. N’hésitez pas à prendre une liasse fiscale comme exemple pour cette partie du BP. Une fois ce document terminé, vous n’avez qu’à le rendre dynamique avec votre première feuille Hypothèses, et ne plus avoir à en modifier quoi que ce soit (seuls les hypothèses sont à changer).

 

3 – Le tableau de cashflow 

Cette dernière feuille Excel est sûrement la plus importante du BP aux yeux des investisseurs. Elle va synthétiser vos hypothèses précédentes, et leurs impacts d’un point de vue « cash ». En d’autre terme, votre activité va générer/consommer du cash durant la période d’investissement, mais d’autres facteurs viennent également impacter votre trésorerie, tel que votre politique d’investissement et de financement. Le cumul des flux de trésoreries (sorties et arrivées de cash) tout au long des années jusqu’à la dernière période du BP va permettre de constater l’excédent (ou le besoin) de cash généré, et ainsi à l’investisseur de savoir si investir dans votre projet entrepreneurial est rentable (ou non). Une fois ce document terminé, vous n’avez qu’à le rendre dynamique avec votre première feuille Hypothèses, et ne plus avoir à en modifier quoi que ce soit (seuls les hypothèses sont à changer).

 

 


Le Mémorandum


Le mémorandum d’activité (par abus de langage parfois désigné Business Plan) est un document écrit, résumant l’ensemble du micro environnement de l’entreprise et ses ressources (toute forme qu’elle soit), servant à l’analyse qualitative du projet. Il y intègre également les perspectives de l’entreprise, et de nombreuses données chiffrées. Il est (nettement) plus complet que le teaser, mais doit rester très organisé (privilégiez les sections, sous-sections et bullet points). Il est un complément pour l’investisseur qui souhaite connaître plus en détails votre projet, afin de valider son souhait d’investir.

 

Le processus de sélection des dossiers peut changer d’une institution d’investissement à une autre, de même pour un business angel.

 


Quelques conseils


De par mon activité d’auto-entrepreneur, ainsi que mes précédentes expériences en finance, j’ai régulièrement eu l’occasion d’échanger avec des entrepreneurs sur leurs problématiques de financement. Comme dans un processus de recrutement, la première impression est souvent déterminante pour la suite de votre candidature. Soignez bien vos documents, et n’hésitez pas à les faire relire par un spécialiste ! Je vous conseille également de bien calibrer votre prospection lorsque vous cherchez des fonds : vérifiez bien la politique d’investissement des tiers auxquels vous envoyez votre teaser, afin de ne pas discréditer votre dossier.

 

Dans le choix de l’investisseur, ne vous focalisez pas uniquement sur le coût de votre décision (intérêts à payer, obligation d’ouvrir son capital). Ce choix doit également avoir un intérêt stratégique pour vous ! Certains tiers sont plus adaptés que d’autres, et pourront vous apporter des conseils et un réseau que vous n’estimiez pas au premier abord !

 

Grâce au digital et à l’évolution de la législation, d’autres moyens moins institutionnels existent, tel que le crowdfunding et l’equityfunding. Renseignez-vous sur ces moyens, qui peuvent également satisfaire votre besoin !

Cliquez ici pour lire la suite : Les leviers de négociation des entrepreneurs face aux investisseurs

 


Note sur l’auteur


Corentin COLARIS est consultant indépendant en financement, analyse financière et valorisation d’entreprise. Il intervient principalement avec des startup en création et développement, sur leurs problématiques business et financières. Corentin est diplômé du master Grande Ecole de l’EDHEC, et possède des expériences significatives au sein de grands groupes et d’institutions reconnues en capital investissement.


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